[Concours] Kurai-Yume/Ce jour là, tout a changé...

[Alors, je sais, c'est assez différent des autres. Visiblement, mon esprit tordu n'a pas situé ça à la même époque, et le côté mystique de la chose a pris le dessus. J'espère ne pas avoir fait un hors-sujet... toute l'histoire n'est pas détaillée, car je ne raconte pour chaque partie d'une journée plus importante que les autres. Je crois néanmoins avoir rajouté quelques détails qui permettent de comprendre l'histoire en général de Yume, la façon dont il est perçu par les autres... si ça ne va pas, j'en suis désolée !]

« Et il est dit, qu'un jour naîtra un enfant plus pâle que la lune elle-même, ses cheveux seront semblables à du mercure, et ses yeux seront morts. Il sera promit à de grande choses, des exploits terrifiants... »

Ce fut trop pour l'homme qui referma brutalement le fragile ouvrage, laissant ses détacher les pages, jaunies et craquelées par le temps. Il se leva brusquement, et le vieux livre tomba au sol, la couverture se déchirant lentement. Mais il n'en avait que faire. Pour l'heure, il posait un regard terrifié sur son enfant.

Ce dernier devait avoir sept ans. Sa peau était d'une pâleur mortelle, ses cheveux longs, gris, et ses yeux d'un bleu si clair, qu'ils en paraissaient blancs. Le gamin le fixait sans bouger, sans ciller, crispant ses petites mains sur le rebord de la chaise où il était assis. C'était probablement la seule qu'il était capable de faire pour exprimer son émotion. Yume était un enfant taciturne, silencieux, qui ne parlait pratiquement jamais, et les rares paroles qu'il pouvait prononcer était souvent énigmatiques, voire incompréhensibles. Son père lui ordonnait donc de ne point parler, puisque personne n'était capable de le comprendre, et qu'il effrayait les autres enfants.

Mais aujourd'hui, tout s'expliquait. C'était lui, l'enfant maudit de la légende, de la prophétie, et le pauvre homme sentait sa vie s'écrouler en même temps qu'il admettait cette terrifiante vérité. A bien y réfléchir, son enfant ne lui avait effectivement apporté que du malheur : sa mère avait perdu la vie en le mettant au monde, son apparence était effrayante, et ses murmures glaçaient le sang de ceux qui savaient les interpréter, démêler le vrai du faux, et s'accoutumer à son langage d'une autre époque. Malgré la pâleur de son apparence, une aura sombre se dégageait de lui. Alors, il sut ce qu'il avait à faire.

« -Yume... Yume, il faut que tu viennes avec moi.
-Des exploits terrifiants...
-Quoi ? Qu'est-ce-que tu racontes ?
-Plus pâle que la lune elle-même, ses cheveux semblables à du mercure, ses yeux morts... des exploits terrifiants ! »

Epouvanté, le père recula. Son enfant tremblait, ses yeux roulaient dans leurs orbites, comme une transe démoniaque. Jamais une telle réaction n'était arrivée.

« -Terrifiant ! Et à jamais il sera maudit, et aucun sortilège de quelque magie ne pourrait le sauver, jamais, jamais, maudit...
-Yume, silence ! Qui t'as dit ça, qui ?
-C'est écrit ! »

L'enfant pointa un doigt étonnamment fixe et inflexible sur le livre. Le père se précipita, retrouva la page, arrachant des morceaux entiers de papier, et lu.

« -Il sera maudit jusqu'a la fin des temps, et aucune magie ne pourra l'en délivrer. Grand sera son malheur, et celui de son entourage, et cette destinée sera inexorable... Où as-tu appris ça, qui te l’a dit ?!
-C'est écrit...
-Tu ne sais pas lire !
-Je sais, je sais, c'est écrit... »

Et il se calma aussi brusquement que la crise était venue, se renfermant sur lui-même. Son père savait qu'il serait impossible de lui tirer le moindre mot de plus. C'était toujours ainsi, il murmurait des vérités inconnues de tous, et se répétait, toujours, sans jamais changer son discours, comme un texte qu'il aurait appris par cœur. Mais comme il l'avait dit, Yume ne savait pas lire, et personne dans le village n'était en mesure de lui parler de cette étrange prophétie. Cette fois, ce fut trop, et l'homme saisit brutalement son enfant par le bras, et le traîna hors de la petite cabane de bois. Inébranlable, il traversa tout le petit village en traînant Yume derrière lui, indifférent aux regards mi-outrés, mi-curieux, des voyageurs qui passaient là. Il marcha longuement, et arrivé à une distance suffisante, poussa Yume qui s'écroula sur le sol. Son père prit ses jambes à son cou, et retourna au village. Le temps ferait son effet, les animaux sauvages, et dans quelques jours, on ne retrouverait qu'un cadavre, et la menace serait écartée.

Yume, lui, ne bougeait plus. Il n'avait aucune force physique, et était plus faible que le plus faible des hommes. Son père l'avait abandonné au bord des marais, qui formaient la lisière en son monde, et l'immense désert. Malgré le mouvement autour de lui, il ne bougea pas. Il sentait quelque chose glisser sur le sol à côté de lui, racler la terre et déplacer les branchages. Cette chose s'enroula lentement autour de lui, et le tira à l'intérieur du marais. Alors qu'il s'attendait à mourir, on le déposa doucement sur un recoin de terre ferme, bordée de quelques plantes qu'il savait comestible. Il vit se dresser autour de lui des silhouettes inconnues, et surtout cet immense serpent au-dessus de lui. Des bêtes étranges le fixaient, mais ne semblaient lui vouloir aucun mal. Elles murmuraient à une vitesse impressionnante, et dans ces chuchotements, Yume parvint à comprendre une phrase, qui revenait en boucle :

« Il est venu. Il est venu... »

Les années passèrent. Le temps semblait ne pas avoir d’emprise sur Yume. Cela faisait maintenant presque dix ans que son père l’avait abandonné, et il comptait 17 ans humains. Autant dire jeune, très jeune. Son physique était pour le moins atypique, et même si ses traits étaient fins et délicats, il était plus effrayant que beau. Il avait réussi à se débarrasser d’une partie des es cheveux, qui lui tombaient à la taille. Leur teinte argent brillante avaient disparu, laissant un blanc terne faire son apparition. Ses yeux étaient d’un bleu paralysant, presque blanc, avec un unique point noir en leur centre. Yume était véritablement minuscule, plus petit et frêle qu’une jeune fille, et faisait la risée des hommes, quand il s’aventurait chercher de la nourriture près de la ville. Mais aujourd’hui, il se sentait près.
Il se tenait à la sortie des marais, et avait volé des vêtements en ville, tous noirs, contrastant avec sa pâleur cadavérique. Une longue cape prête à tomber en lambeaux flottait dans l’air, raccrochée à ses maigres épaules. Le jeune homme se tourna vers les étranges créatures qui habitaient ce lieu humide et inquiétant. Ils l’avaient été à grandir, à vivre, et ils étaient comme liés à lui. Il n’était pas un combattant hors paire, n’ayant aucune force physique, et préférait la vitesse et la tactique, à l’attaque de front. Et il savait, qu’il aurait toujours l’appui de sa « famille ». Alors, il leur jeta un dernier regard mélancolique, et s’inclina légèrement devant l’énorme serpent qui l’avait sauvé.

« Je viendrai vous chercher. Quand je les aurait atteintes, je viendrai vous retrouver, et vous viendrez…»

Il mit des mois à les trouver, et les atteindre. Il en avait entendu parler en ville, l’avait vu, l’avait su, on ne sait comment. Des terres prêtes à l’accueillir, des terres inconnues, sacrées, où il pourrait faire ses preuves. Les « exploits terrifiants » de la prophétie, il ne les avait jamais oubliés. Et enfin, Yume trouva. Et quand il se retourna pour contempler le chemin qu’il avait parcouru, il su qu’ils étaient là.

« Nous y voici… nous les avons trouvées, et ici, nous deviendrons plus grands que n’importe lequel des hommes… Enfin, nous sommes réunis, mes amis… devant les Terres Immortelles. »